vendredi 28 août 2009

Deuxième jour. Berck, Baie d'Authie...

Samedi 1er août 2009
J’ai tenté un réveil vers 9h, le temps de faire un petit pipi dans les dunes, mais incapable de lutter contre le sommeil, j’ai replongé dans ma niche. Les yeux lourds, Poum.
11h, bruit d’hélico. Aaarg, j’me suis cru dans ma chambre ou quoi ?
Je suis sur qu’ils viennent m’arracher de cet espace protégé par l’Unesco, où une nuit de camping coûte trois ans de prison.
Je sors la tête, y a pas un chat sur la plage et un petit coucou traîne son bruit de moteur dans le ciel gris. Je pourrais prolonger le prélassement, mon corps ne demande que ça, mais Mebeh (prononcer Mébé) arrive demain à Rue, avec son pote Milouse. Il s’agirait de ne pas faire attendre les deux mecs aux improbables surnoms. J’empaquette rapidement mes affaires, glisse le long de la dune, brisant mes traces de pas de la veille, et déballe tartines et café sur la plage, où la mer est de nouveau au plus bas. Ça m’apprendra à pioncer dix heures.
La situation est idéale pour le départ, pas trop chaud malgré midi qui pointe, les courbatures sont moins violentes que prévues, il me reste de l’eau pour un bon moment, j’ai troqué le fût pour un short. En somme, je tiens une forme inespérée… jusqu’à ce que j’enfile l’horrible sac.
Bordel, j’ai eu le temps d’oublier cette tumeur.
En même temps, démarrer avec 6 kilos de bouffe, c’est vraiment de la bêtise. J’aurai mieux fait d’acheter au jour le jour. En plus, comme j’suis un mec bien, je m’ trimballe les poubelles qui en résultent Les sacs plastiques me pendent de pleins d’endroits, comme le lest d’une montgolfière.
J’avance comme hier, comme un coup de boule sans cible. J’atteins un village que je croyais être Berck, ha tiens non. Un autre, tellement plus loin. Tiens, non plus.
Je finis par comprendre que Berck, ce sont les bâtiments tout petits dans le sable de l’horizon. Ils font la même taille que ceux du Touquet qui me nargue encore derrière.
Lors d’une pause, je rationne l’eau et allume le portable pour écouter un message de Mebeh.
En gros, Milouse à des trucs à régler jusqu’à mardi, et comme il ne veut pas le laisser venir seul à Rue, il préfère l’attendre.
Parce que moi, je ne suis pas seul, peut-être ?
Je réalise alors que je suis tout seul et que ça ne me dérange pas. Sauf quand je me retrouve au milieu des gens. Là, faut supporter les regards de toute la plage.
Mais sinon, seul et nulle part, ça va.
C’est un peu comme si j’avais raté un dernier train, et que je serai en train de rentrer d’une soirée qui se serait déroulée vraiment loin de chez moi. J’ai l’habitude de ce genre de voyage. Ça va.
Mais pas trop longtemps quand même. D’ici mardi, j’aurai passé 5 jours seul. Pfff, en me basant sur la journée d’hier, je ne sais même pas si physiquement j’en serai capable.
Berck s’approche ?
En tous cas, il y a de plus en plus de gens dans mon bac à sable.
Mais quelque chose m’intrigue, d’abord, puis ça devient un moteur pour avancer : des couples bedonnants de vieux nudistes, ou des gros hommes au zizi esseulé, rentrent de leur baignade vers leur serviette. Des lignes se dessinent naturellement, des lignes de direction prévisionnelles : la mienne et celles des monstres. Perpendiculaires, elles se croiseront forcément, à moi de faire en sorte que ce soit dans mon dos. Et loin, de préférence, pour éviter tout détail visuel.
Avec mes lunettes de soleil, je vois chaque scène de ce voyage sous une couleur sépia rétro, la chaleur floute les formes, le manque d’eau et l’effort brouillent ma vue comme si je portais les lunettes d’un autre, j’erre donc dans un étrange désert peuplé de corps roses évanescents.
Il y a, sur le sol, des pans d’eau de mer qui ne s’est pas entièrement retirée depuis ce matin. Parfois, ce sont de petits étangs que je dois contourner. Je maudis chaque mètre parcouru de côté, comme un crabe. J’ai croisé un mec à vélo, avec ses bagages harnachés partout dessus, qui les esquivait de la même manière : en râlant.
Salaud, j’aurai tellement aimé être à sa place.
Bordel, mais pourquoi à pied ? j’me suis pris pour Superman ?
Ha oui, j’m’étais dit « Je serai plus libre, si j’veux prendre un bus, un train, pof, je peux ».
Connard.
Je fini par arriver à Berck.
Il va bientôt pleuvoir mais les gens restent sur la plage. A cause de la chaleur.
L’accent des dialogues que je perçois me fait comprendre qu’on trouve ici une autre population qu’au Touquet. C’est plus des gens du coin.
Je slalome entre les serviettes, mais sans élégance. Je m’enfonce à gauche, trébuche à droite, la plage est en pente et le sable bien jaune, je l’escalade et souffle comme un bœuf éructe, tout ça pour arriver au chemin en lamelle de bois.
J’y suis. Je sue. Tout le monde me regarde.
Je sors de la plage, impassible, il est 16h, je n’ai plus rien à boire, il pleut.
J’ai passé 24 putains d’heures sur cette putain de plage.

Je déambule dans les rues bondées. Temps couvert, j’ai enlevé mes lunettes, mais je garde un regard plissé Clint Eastwood copyright, comme en plein soleil… c’est la grimace de la soif.
ça doit me donner un air ténébreux, les gens s’écartent. Ou bien, c’est la saleté. Sans la casquette, les cheveux tiennent tout droit. Par surprise, un ado fond sur moi, et me file un flyer pour la parole de Jésus accessible aux drogués. Je lis son truc, c’est tellement drôle, je repars en forme.
Instinct de survie : premier virage, au hasard, je tombe sur l’épicerie.
J’achète trois bouteilles. « z’ètes pas assez chargé, par hasard ? », j’ai à peine réussi à entrer dans son bouiboui. Il m’indique un chemin pour atteindre, sans détour, le bout de plage.
Mes trois bouteilles dans les bras, je referai mon sac sur la plage. Il pleut, mais ça ne mouille pas. Je ne perds pas de temps dans la ville. Une promenade/piste cyclable goudronnée, coincée entre la plage et l’hôpital maritime de Berck mène à ce qui ressemble être une baie.
Encore une fois, la petite embouchure mignonne comme tout, dessinée sur la carte, existe finalement sous la forme d’une immense étendue de sable mouillé. Je dois accéder à l’autre côté. Sur la droite, la mer est si loin qu’on la voit à peine.
La promenade s’arrête au pied d’un phare, les promeneurs aussi donc, et je me retrouve sur un monticule de rochers agglomérés large de 4 mètres, surélevé de 3 par rapport au sable, qui coupe, à travers un bout de baie, sur une ligne d’un bon kilomètre.
A marée haute, cet étrange pont doit être recouvert vu qu’il est glissant d’algues, et que sur le sable à gauche, gisent deux petits bateaux échoués comme dans un désert.
J’avale le passage en croisant quelques familles qui chassent le bigorneau dans les rochers. Au fur et à mesure, je me retrouve seul. Au bout, je retrouve une plage, mais le sable ne m’est pas familier. Il ressemble de plus en plus à de la terre molle, il sent la vase. Ça m’inquiète deux secondes, et puis je m’affale dedans pour me reposer du kilomètre. Il n’y a vraiment plus personne. J’allume le téléphone pour lire l’heure, vu que le soleil se planque.

Pfff, je ne vois pas le temps passer pendant mes pauses, il est temps de repartir, je remets mon T-shirt, j’endosse le sac par une prise de judoka et merde, une bouteille mal sanglée vole et s’éclate contre un rocher.
Elle est percée !!! Une bouteille toute neuve. Elle est en train de saigner sur le sable. MerdMerdMerd, le trou est en plein milieu !
Je me dépêche d’en sortir une vide, je transvase le plus proprement possible. Réaction rapide. J’ai quand même perdu un quart de la bouteille. Et ça fait mal. En une journée, ma notion de l’eau semble avoir été bouleversée. Ce n’est pas seulement le voyage qui dépend de chaque goutte, mais c’est vraiment comme en plein désert, j’ai l’impression que ma vie en dépend. J’viens de passer 24 heures sur une plage, qui me dit que je vais sans doute remettre ça. Je n’ai aucune idée de ce qui m’attend, mais tant que j’ai de l’eau, rien n’est un problème. Pas même les détonations qui résonnent plus loin sur ma route. Celle-ci qui tourne, les dunes me cachent la provenance du bruit.
En avançant, je fini par apercevoir trois têtes qui sortent du sable. Je ne comprends pas bien.
J’approche, chaque tête possède un bâton pointé vers le haut. Ce sont des fusils. Des chasseurs ont creusé un grand trou et attendent assis dedans. Ils me regardent venir et me font un signe de la tête silencieux. Le mien fait un bruit de popote qui tressaute.
Ce sont les premiers que je croise, les premiers d’une longue et pénible série. Ha les connards, ça leur aurait fait mal au bec de me prévenir que j’entrais dans une zone de chasse.
Bienvenue dans la Baie d’Authie. Elle sépare le Pas-De-Calais de la Somme, et le Nord Pas-De-Calais de la Picardie. Samedi 1er août, ouverture de la chasse des gibiers d’eau. Il est inutile de préciser combien de dégénérés, au mètre carré, peut attirer ce genre de lieu, un jour comme aujourd’hui.
Ça fait un an qu’ils attendent de tirer leur crampe les mecs ! Tout ça, je ne l’ai su que plus tard.
Sur le coup, je me dis juste que ça sent le petit braconnage, et me concentre sur ma route qui s’éloigne de la mer. Un long détour vers le continent s’annonce, avant d’espérer retrouver les plages d’en face.
Par endroits, mes pieds s’enfoncent plus que d’habitude.
Sur le bord d’une rivière que creuse la mer descendue, un bateau échoué, un chien, deux vélos, un père et son fils kakis, chacun un fusil, me regardent passer sans rien dire. Ils retiennent le clébard et me laissent m’enfonce dans un piège invisible. En effet, la plage côtière que je longe depuis hier est simplement en train de se changer en marais. Des arbustes supplantes les étendus de sable nu, mes pas font un bruit de bulles, et les têtes au fusil se font plus nombreuses.
La lumière diminue, c’est le soir qui tombe, et la fête commence vraiment.
Ça pète un peu partout et je commence à flipper.
J’en croise un de près. Il est seul, sa bière, ses yeux bleus percés dans son crâne blanc, son fusil et ses bottes souillées de vase jusqu’aux genoux ne me rassurent pas. Putain que j’aimerai filmer tout ça, juste histoire de prendre de la distance. Mais je n’ose pas, je suis dans un putain de pays en guerre. Et j’y débarque avec ma casquette trop petite, mes lunettes de soleil trop larges, mon t-shirt rayé, mon short, mes genoux, mes chaussures de montagne, mon sac qu’on dirait la maman Barbapapa, ma barbe crissante, et ce putain de bruit de popote. Et j’marche mal. Et j’m’enfonce.
Je comprends qu’il faut laisser tomber le bord de l’eau, faire le tour de la baie par la route, et décide de couper à travers les buissons. Ils me permettent d’avoir un appui ferme quand je marche dessus. Les tirs s’intensifient. Je presse le pas. Mais l’eau a creusé de profonds fossés qui lacèrent ma fuite rectiligne en un labyrinthe à la con. C’est pas le moment de jouer. J’aimerai les enjamber, mais avec mon poids et toute cette vase, un saut et je sombre. Même en faisant les montagnes russes dans les fossés, je manque de paumer mes grolles deus, trois fois. Je suis boueux jusqu’aux chevilles. J’oublie mon poids, je fonce au battement des pétarades, et fini par accéder à un parking.
Scène au ralenti, je su de douleur, de peur, de chaleur. Je débarque entre deux bagnoles. Il n’y a que des mecs, crânes rasés, regards bleus. Des vieux, des jeunes, des gosses, tous en treillis, tous un fusil.
Deux types, plus jeunes que moi, s’approchent en se marrant.
« C’est toi qui voulait t’enfuir par la mer ?
- C’est parce que j’me suis trompé, j’pensais arriver rapidement de l’autre côté de la baie.
- A pied ?! Ben t’as du courage mon gars !
-Tu vas où ?
- Je sais pas, vers le sud.
- Pour aller où ?
- J’avance le plus loin possible.
-Mais pour aller où ?
J’ai compris qu’on ne pouvait pas se comprendre. Et puis ils avaient leur arme.
Pas d’autre échange, pas de conseil ni d’itinéraire. Ils me laissent poursuivre dans ma mélasse.
Ils se barrent en camionnette. J’emprunte la même route, après un cours répit, où je vois du monde passer avec des canards en cage. Je dépasse le fameux panneau « Zone de chasse : interdiction de promenade/cheval/camping/pêche » Me voilà prévenu.
Je marche maintenant le long de rues habitées. Il va bientôt faire nuit, il va falloir chercher un endroit plus isolé. Tous les gens que je croise me semblent hostiles, c’est l’effet chasseur. Je prend toutes les routes qui tournent à droite, toujours vers le sud, de quoi passer cette foutue baie.
La carte n’indique qu’une sorte de pont qui enjambe l’embouchure, frontière à franchir entre les deux départements. Je me demande ce que ça va changer.
Je trouve un petit port vidé de son eau. Un robinet, je rempli deux bouteilles pour les pâtes et l’hygiène. Un plan, dans un coin, montre des sentiers pédestres. Y en a un qui commence juste ici et mène au pont. C’est parfait, j’opte pour celui-là.
Le panneau « permis obligatoire pour chasser » à l’entrée ne me rebute pas.
J’y fonce. C’est un passage assez large pour une bagnole, couvert d’herbe, il serpente au milieu des buissons et des marais. Les premiers virages sont si calme que je me demande si je ne vais pas me trouver à dormir dans les environs. J’évite les endroits boueux, ça tourne à gauche, ça vire à droite, et là, surprise, de nouveau des chasseurs, cette foi-ci par grappes de trois ou quatre. Ils sont tous dans des grands cratères de terre, moulés à la main comme des tranchées, sur le bord du chemin.
La scène se répète, toujours la même, je passe un mètre derrière, ils s’arrêtent de parler, me regardent tous passer, Plic, Klin, Plic, Klin, la popote.
Je me fends d’un « bonsoir ».
Certains répondent.
Ils ont souvent des chiens, concentrés sur autre chose : chaque groupe fait face à un étang artificiel couvert de faux canards flottants. AU bord, une cage, dedans, un vrai canard qui piaille de panique. C’est l’appât qui appelle à l’aide.
Je traverse la zone de chasse à l’heure de pointe. Entre ceux, en faction, près de mon itinéraire, et d’autres que j’aperçois entre les touffes d’herbes, je pense avoir croisé une centaine de chouettes types prêts à décharger leur arme.
J’entends tirer au loin, puis de plus en plus près. ça marche par vague. J’en conclus qu’ils doivent tirer des oiseaux qui échappent à un groupe pour tomber sur un autre.
« Ils visent vers le haut, je suis assez visible, bruyant et sur le chemin piétonnier. Pas de raison d’être pris pour cible. Je ne suis pas un oiseau. Ils ne visent que les oiseaux. » C’est ce que j’étais en train de me répéter intérieurement en longeant une rangée de très hautes herbes.
C’est alors qu’au beau milieu du chemin, à 10 mètres devant moi, s’arrête un putain de lièvre qui rebondit aussitôt.
« Ho merde »
Et pan, sur ma droite, à 5 mètres environ, une déflagration perce les buissons et mes tympans, immédiatement suivie du bruit des balles qui sifflent. Je sais pas exactement ce qui sort d’un fusil de chasse. Des billes de plomb ? En tout cas, ça a sifflé, et là, j’ai vraiment flippé. Là, j’me suis dit que ce voyage tournait au putain de cauchemar.
C’est plus un jeu, y a moyen de me faire trouer dans l’histoire.
Statufié de terreur, je mets 30 secondes à réfléchir. Continuer ? Rebrousser ? Le calme est revenu, je trace. Il fait de plus en plus sombre, surtout à cause des nuages. Je n’ai jamais marché aussi vite avec ce sac. Je l’ai complètement oublié celui-là. Au fil des pas, je me dis que ça suffit, j’ai trop morflé en deux jours, ça sert à rien de faire plus. Je programme la fin du voyage au lendemain.

Pour couronner la journée, il s’est mis à pleuvoir. Fort, cette fois.
J’ai essayé de me protéger avec le manteau, mais tout prenait l’eau. Il a flotté 10 minutes.
J’avançais quand même, pour sortir de 14-18.
J’ai croisé encore plein de ces attardés avant d’arriver au bout de mon épreuve.
Un parking, des arbres pour s’abriter, et perpendiculairement, une départementale. Celle qui mène en Somme, celle qui mène à Rue.
Je téléphone chez moi pour raconter toutes mes merdes.
Le téléphone, c’est ce qui m’a permis de tenir jusque là. C’est comme un piolet qu’on plante pour grimper. C’est officiel, je plante ma tente, je dors, et j’me barre de cette région de beaufs. Putain de chtis, putain de picards. Il aurait suffit qu’ils me guident un minimum, qu’ils me préviennent pour les zones de chasse. C’est pas compliqué.
Je circule le long de la route sans trottoir, les bagnoles fusent en trainées de lumières. Il est 21h et quelques. Il ne pleut plus, mais l’herbe et mon sac en gardent les traces.
Partout autour de la ligne de bitume, des champs inhospitaliers, puisque des moissonneuses y crapahutent, les phares grands ouverts.
Je passe cette saloperie de pont de 10 mètres que j’ai attendu toute la soirée. Je tourne vers une route plus calme. A droite, toujours. Un petit carrefour, à gauche, y a du monde, à droite, un panneau de voie sans issue. Je fais quelques pas et me pose sur un carré d’herbe, à 1m5o de la route.
Quelques voitures reviennent de la voie sans issue. Par lots. Ce sont des chasseurs, côté Somme.
Ils klaxonnent quand j’apparais dans leur éclairage, en train de monter ma tente.
Mais j’en ai rien à foutre, j’me casse demain, moi, bande de bouseux.
Ça a duré comme ça longtemps.
J’me suis changé, fait de la semoule, le cul dans la tente humide, le gaz dehors, face à la route.
Un repas ponctué de klaxons et d’exclamations alcoolisées, et abreuvées de sang de canard, et incompréhensibles à cause de la vitesse, de l’accent, et des défauts physiques…
J’leur en veux vraiment.
J’me suis pieuté dans mon sac de couchage mouillé, MP3 dans les oreilles et bombe lacrymo à portée de main.
Le voyage n’aura duré que deux jours, mais ça s’est trop mal passé pour poursuivre.









mercredi 26 août 2009

Apprendre à être patient

m'aurait évité de foirer le dosage de révélateur
et d'abimer tous les sténopés du voyage.
Photo prise sur la plage entre Le Touquet et Berck.
Tout seul, nulle part.

jeudi 20 août 2009

31 juillet. Départ d'Etaples jusqu'à Nulle part.









Départ le vendredi 31 juillet, à 12h30, de la gare d’ Etaples-Le Touquet, dans le Pas-De-Calais.

J’aurai pu démarrer de plus haut, mais ça faisait plus cher en train, et puis j’ai rendez vous à Rue dimanche, c’est à environ 35 kilomètres au sud. J’me vois mal faire plus, en 3 jours.
Je suis parti sans montre, sans boussole, et avec une carte routière de 2007, à l’échelle 1/ 1 000 000, c'est-à-dire qu’ 1 mm = 1 km. Donc tout ce qui est village, c’est gommé par Michelin.
Les trois erreurs du début sont posées.
A cela, j’ajoute que mon sac pèse 23 kg, alors qu’il ne devrait idéalement pas dépasser 10% de mon propre poids.
Je pèse 74 kg, mes chevilles en portent, au total, près d’une centaine.
Il fait très beau, très chaud, et je n’ai pas trouvé de superette, à la Gare du Nord, pour acheter trois bouteilles d’eau. Armé d’une bouteille de 75 cl d’un pauvre distributeur, je sors de la gare.
Je ne sais pas où aller, technique Homer Simpson, je prends la rue qui descend.
Où est la mer, bordel ?
La gare s’appelle Etaples-Le Touquet.
Le Touquet, station balnéaire, oui ou non ?
Elle est où l’eau ?
En bas de la rue, un plan de la ville d’Etaples.
Evidemment, pour Le Touquet, fallait prendre l’autre sens.
Mais il n’y a marqué que « Direction Le Touquet ». Mauvais signe.
Je remonte mon chemin, déboule en centre-ville, un panneau : Le Touquet-6 km .
« Boh, 6 km, ça va. Je déjeunerai là-bas », j’me dis.
Oui, mais ça fait déjà une bonne demi-heure que je tourne, le dos lourd, les sangles du sac qui pressent mes hanches et bloquent mon souffle.
Je commence à percevoir l’ampleur du voyage.
J’allume mon portable pour appeler Maxence. Je comptais lui faire part de mes premiers pas du périple depuis Le Touquet, mais finalement, je suis déjà dedans. Et chacun d’eux me provoque rapidement quelques douleurs… Je vais m’habituer, je vais m’habituer… tu parles.
Je traverse une forêt sur un trottoir, et malgré les pauses, je m’habitue à que dalle.
Je me tape un détour à cause d’un panneau « supermarché Champion, à droite ». Je ne l’ai jamais trouvé, j’ai juste gaspillé de l’énergie. Ils m’ont fait super marcher.
Chaque mètre est un calvaire, je me mords les doigts du moindre détour.
Très vite, je n’en peux plus, un banc, du pâté, des biscottes, une salade niçoise, tout est gobé.
Je repars, et voilà Le Touquet.
Enfin juste le panneau, quelques hôtels, quelques résidences chics, et des passants très parisiens.
Moi, avec ma maison transpirante sur le dos, dès que je m’arrête, les marques des bretelles qui s’impriment en sueur sur mon T-shirt m’offrent un périmètre de sécurité face aux gens qui sont de plus en plus nombreux.
Il faut dire que j’arrive dans la rue principale, celle qui mène à la plage.
J’en scrute chaque recoin, pour me dégotter une supérette, mais à part les restaus, les bars, et les putains de boutiques de luxe qui s’étalent, il n’y a rien.
Qui a besoin d’un architecte, ou d’un chocolatier, en vacances bordel ?!
J’échoue sur le bord de plage et là, je souffre ma race. J’ai mis deux heures à parcourir 6 km…
Soleil, manque d’eau, poids, je fonds sur le goudron de la promenade du bord de mer, face à une piscine aux toboggans remplis de gniards qui braillent. Je pourrais refroidir ma pomme dans l’eau salée, mais j’en suis séparé par plus de 100 mètres de sable.
Marée basse de merde.
Je reste assis, avec mon pantalon, mes lunettes de soleil improbables qui sortent des affaires de jeunesse de mon père, ma casquette délavée. Même si j’ai chaud, j’aime mieux éviter de commencer avec un coup de soleil.
Instant réflexion : ma route, c’est la plage. Toujours vers le sud.
Sur la carte, cette plage, qui s’étend jusqu’à Berck, mesure la taille d’un ongle.
Environ 16 kilomètres ?
Il faut vraiment aimer se faire du mal pour s’infliger un calvaire pareil.
Pour commencer, il me faut à boire. Ce serait du suicide de s’aventurer dans un tel désert sans une goutte d’eau potable.
Je retourne dans les rues commerçantes, suivre le conseil prodigué par mon père le matin-même, au moment de ma déposer à la gare de Versailles: « Quand t’en as plein les pieds, c’est agréable d’aller boire un coup ». Une bière, un grand verre d’eau, sur une terrasse vide de 15h30. Rien n’est frais, mais c’est un bonheur.
J’appelle Maxence encore une fois, Maxence, j’ai fait Strasbourg-Paris, et Nice-Arles, à vélo, avec lui. Lui seul peut comprendre le genre de difficultés que je traverser.
Rien à foutre d’économiser ma batterie, le voyage me semble déjà compromis.
Finalement, le patron du bar m’indique un mini supermarché caché, j’y achète trois bouteilles, j’en siffle une sur l’instant, et rajoute les trois kilos restant sur ma pièce montée dorsale.
Au point où j’en suis, je ne peux plus reculer.
16 h 00 sur l’horloge du Club Mickey, la plage s’ouvre à moi.
A l’entrée, le sable est sec, j’essaye de piquer les traces de pas déjà creusées, mais rien à faire, les grains s’écartent sous mes pieds de gros, c’est casse gueule.
Au milieu des baigneurs quasi nus, j’ai l’air d’un spationaute avec mon équipement boursoufflé.
Apollo 11 , 1969 mais avec la gravité inversée.
Sur la Lune, il parait que 70 kilos n’en pèsent plus que 10. J’envie ce connard d’Armstrong jusqu’à ce que j’atteigne le sable humide.
Làààà, là je maitrise, là je trace.
Je laisse de belles marques, et je double les mamies qui combattent leur arthrose. Le peu de gens que je croise font de petits allers-retours, quelques serviettes se font bronzer loin de la foule de la ville. Je reste concentré derrière mes lunettes, je regarde le sable : l’horizon immobile est démoralisant. En tous cas, mon passage ne laisse personne indifférent.
Putain, faut dire que j’en impose avec ma démarche de Groucho Marx, penché en avant. J’envoie mes jambes au loin à chaque foulée, marquée par le tintement des couverts de la popote qui se balance au dos du sac. Les bras repliés agrippent les bretelles à pleines mains, je tire dessus pour délester un peu les épaules.
Au bout d’un moment, même en enlevant ma carapace, mon corps adopte instinctivement cette position courbée. Sans le contrepoids du sac, j’avance en chute libre.
Ça m’a fait rire la première fois, mais en y pensant bien, c’est pas vraiment drôle.
Un rythme s’installe. J’avance, je m’arrête, je bois, j’avance, je m’arrête, je bois. Sans aucune conscience du temps qui passe, ni des distances parcourues.
La mer basse, sur la droite, le sable en face, et un mur de dunes couvertes d’herbes hautes sur ma droite, c’est mon chemin jusqu’à perte de vue.
Je vois des bâtiments au loin. La carte ne mentionne pas de village. Dans ma tête, c’est Berck.
Pour de vrai, Berck, je n’y suis arrivé que 24 heures plus tard…
Vers 18 heures, grand coup de barre. J’attaque ma 5ème heure de marche de la journée, le sable qui n’est pas humide de manière rectiligne m’oblige à avancer en épuisants zigzags. Le soleil, vers la mer, chauffe encore tellement.
Je remonte la plage dans sa largeur vers les dunes, hautes de 10 mètres, pour me poser au pied.
Il n’y plus personne à 100 mètres alentour, je m’autorise à pisser à l’air libre.
Dans ma tête, c’est juste une pause, mais le fait d’enlever mes chaussures en m’allongeant dans le sable vierge, ça me suffit pour m’endormir.
Combien de temps ? Aucune idée, je me relève avec la désagréable sensation qu’on m’a retiré les omoplates, ou qu'un train m'est passé sur les épaules, ça dépend de comment je me tiens.
Ayayay premières courbatures après une sieste, j’imagine mal après une nuit entière…
Le soleil rose m’annonce qu’il est vraiment l’heure de bouffer.
Gaz, popote, je vais au plus simple par manque d’eau : pas de pâtes. Juste de la bolo, du maïs, pain, pâtés, un grany comme j’en ai becté toute la journée.
Et puis j’attends que plus personne ne passe pour aller planter la tente là-haut, dans la dune.
Les herbes au bout piquant, repliées, vont former un matelas bien gras. J’ai repéré l’endroit, pas un village ni même un route en vue, un désert bien tranquille.
Pour patienter, je descends nettoyer mon écuelle dans l’eau montante. Je suis penché sur l’eau, les pieds au frais lorsqu’une cavalière aux longs cheveux me passe devant, au pas, les sabots du cheval éclaboussant le soleil. Pas un mot, tout est normal.
Je remonte, endosse mon barda en rêvant d’avoir un cheval, ne serait-ce que pour bouffer. J’escalade le sable immaculé, glisse dans toute cette neige, m’accroche aux touffes d’herbe et me hisse sur mon piédestal. Le Touquet, au loin à droite. A gauche, pareil, sauf que je sais pas exactement ce que c’est. A gauche, c’est demain.
Je monte la toile, les armatures enfoncées dans le vide du sable, l’entrée orientée vers la mer, histoire d’apprécier les derniers rayons. Je domine tout un territoire abandonné qui commence à s'assombrir, et je me sens autant en sécurité qu'un Marsupilami qui se pieute.
J’allonge ma maison portative d’un côté de mon refuge, mon corps de l’autre, à nous deux on cale l’ensemble au sol, la nuit s’annonce bonne.

C’était sans compter sur le vent marin qui fait claquer le polyester sans interruption, et m’a donné l’impression de dormir dans un sac plastique. Et le bruit des vagues qui s’est métamorphosé en vrombissement autoroutier. Et puis j’ai fait des rêves bizarres aussi, avec des grands trous qui s’ouvraient sur la plage et engouffrait tout, ma bombe lacrymo n’était d’aucun secours.
J’ai fini par dormir comme une bête, sans personne pour m’emmerder.
C’est dans la nuit que j’ai vraiment perçu que j’étais seul.
Et c’était pas mal.

dimanche 16 août 2009

parlons d'autres choses




J'avais dessiné plein de gendarmes, encore une fois, prémonition!
Bientôt, grand récit, bientôt.

Comme une grande envie de diguelee


J'en peux plus!
ça fait un an et demi que je tiens ce blog.

Il me sert de vitrine , j'y mets tout ce que je peux produire
et parfois , je me permets d'y raconter des choses qui m'arrivent,
et qui me semblent mériter d'y apparaitre,
et qui sont de toute façon la base de tout ce que je dessine.

Je ne fais pas une course aux messages, j'essaye pas d'en poster un par jour.

Et un des buts initiaux du blog était aussi, et surtout, de montrer tous mes boulots
à une personne en particulier, histoire qu'elle me dise instantanément ce qu'elle en pense,
quitte à ne pas l'écouter parce qu'elle a la dent dure.

Puis j'ai commencé à jouer le jeu du blog bd,
avec le tableau des statistiques et tout le toutim.
J'me suis même inscrit au concours "révélation blog" d'angoulême.

A partir de là, j'ai été référencé sur le site blogsbd.fr.

Ce site est un piège immense.

Tu t'y aventures, tu y vois une sélection donc tu as confiance, et là tu te retrouves à passer des heures à lire des blogs de merde qui racontent des histoires de merde, par l'intermédiaire d'un dessin qui semble, parfois, soyons sincère, tout droit sorti du mi des fesses du destinateur.

Et comme on est sur internet, et qu'il n'y a aucun effort à fournir pour lire une page virtuelle, pof, on se laisse aller. Alors que s'il me fallait faire seulement trois pas pour feuilleter une de ces bds, je passerai mon chemin sans hésiter.

Au début, j'me suis dit que ça n'était pas bien grave, qu'une page se parcourt en moins de 2 minutes, et qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Mais bordel, à la longue, perdre autant de temps à regarder des choses ignobles, qui ne sont là, parfois, que parce qu'elles n'ont aucune place dans l'édition, la tête en prend un coup.

Tout est virtuel, mais les précieuses minutes perdues à "écouter" diglee narrer les petits tracas de sa journée, sont elles bien réelles.
( je prend diglee pour exemple parce que à chaque fois, je me fais avoir, j'me dis
"ho, le dessin à l'air sympa", et paf, je tombe dedans,
mais c'est le cas de beaucoup d'autres, bien pires.
Et puis ils ont cette connerie d'habitude de dupliquer un dessin pour faire parler leur perso... bordel, mais pour faire ça, il faut vraiment avoir un super fond, des dialogues savoureux et tout.)

C'est du même niveau que d'éplucher le skyblog d'une adolescente.

Encore heureux, j'ai appris à ne plus cliquer sur les commentaires.
A cause des insultes que j'ai envie de laisser au milieu des débats ou des encouragements de lecteurs.

Et puis, à force d'insoler, chaque jour, ma pauvre rétine, avec la lie de ce qui se fait dans le dessin et la bd, je suis persuadé de perdre un paquet de neurones, ou au moins de perdre tout sens critique et le goût des choses bien faites.

Les blogs bd , c'est comme tf1, bordel, ça te liquéfie la gueule.
Si y en a qui prennent un encart pub , c'est pas pour que dalle...

Bref, j'en peux plus de lire des blogs bd de meeeerde, et les bons ne postent presque plus vu qu'ils sont plus occupé par la vraie vie, qui veut qu'un dessin soit payant et c'est tant mieux.

Ce qui m'embête le plus, ce qui me fait enrager, c'est que je sais que j'ai fait partie de toute cette foule de fils de putes, et que mon blog ne propose rien de différent par rapport à tout ce que je déteste et dégueule depuis tout à l'heure. Mais tant pis, ça fait du bien de sortir tout ça.
La selle du matin, certain la moulent sous forme d'anecdote sur les chaussures à talon, voici la mienne. J'y ai droit, j'y ai droit.

Le "fils de pute" n'est qu'une astuce réthorique, faut pas le prendre pour soi.
Ou si.
Ou comme vous voulez.

jeudi 13 août 2009

Longue vie, tout à recracher

31 juillet Le Touquet - Les Sables d'Olonne 13 août


Improbable.
Je reviens d'un voyage improbable.
Je ne lui trouve aucun adjectif plus approprié.
Pas de temps mort, simplement de très grands moments,
autant dans le bon que dans le mauvais.
J'ai autant de choses à raconter, pour une journée, que si c'était une semaine de vie normale.
Je suis parti pendant 14 semaines, donc.
Je vais essayer de tout décortiquer jour par jour, sans être chiant.

Et puis, si j'échoue, ou bien pour les débiles, j'illustrerai avec quelques dessins.

En attendant, enfin une vraie douche, enfin un vrai lit, bonne nuit.

Et tant pis pour les chaussures à l'envers sur la photo, tant mieux, c'est plus représentatif .
 
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