jeudi 5 août 2010

De l'art d'être hors-contexte


J'en avais entendu parler, mais je ne savais pas trop où m'adresser ,et puis c'est vrai que ça peut avoir l'air chiant et intimidant. On aime bien voyager tranquille quand on prend le train, ça ne sert à rien de se rajouter un malaise au stress de le manquer.
Mais voilà, je suis tombé sur le blog du IDTGV, une rubrique annonce tous les évènements qui vont se dérouler dans le wagon bar. Il y a un compartiment par jour, par ligne de tgv, et la sncf cherche à animer tout ça.
Y a quoi comme animation, y des magiciens, des djs, des musiciens... et puis y a des gens qui font votre portrait. Et J'ai cliqué sur les gens qui font les portraits, et j'me suis dit que "merte, j'peux l'faire moi aussi!". J'veux dire, ça fait un peu de temps que j'ai pas fait ça, mais à une époque pas si lointaine, je remplissais des carnets de gens assis dans le métro/bus/train/avion. J'me suis dit que ça ne me ferait pas de mal de m'y remettre, et si en plus ça me paye mon billet, c'est tout bénèf'.
Donc j'ai envoyé ma candidature avec plein de vieux dessins, ça a mis son temps, mais la réponse est venue. Bim, y a des conditions. Pas affreuses, mais conditions quand même: il faut prévoir son voyage minimum 2 semaines en avance, il faut imprimer une trentaine d'affiche A3, et les accrocher sur les portes du train en se présentant 1H avant le départ.
Bon, j'ai tout fait, et j'ai décidé que pour mon premier voyage, j'allais me rendre à Lyon, voir mon pote Maxence qui vient de s'y installer. StrasbourgLyon n'existe pas, allez hop, un TGV pour Paris, puis un pour Lyon le lendemain, je m'en fous, c'est gratuit, j'paye ma tournée.
Donc, le premier trajet, ma première fois, ça a commencé, j'me suis installé sur une table haute du wagon bar, pas de place assise, vaut mieux être en forme pour passer 2h à dessiner debout.
Une annonce au micro qui fait ma pub, j'accroche quelques affiches,et hop j'entre en scène.
Le barman est censé racoler les gens vers moi.
Voilà les premiers, un couple bizarre et bruyant.
Le mec, une sorte de M Pokora incroyable, les yeux bleus, le sourcil rasé en trois parties, une casquette violette immense qui lui cache le crâne tondu, un T shirt xxl de la même couleur. I
l est accompagné d'une américaine, le portrait craché de Rihanna, en plus tassé. Elle filme tout le monde, et ne parle en anglais qu'en regardant à travers son appareil photo. Les deux font un cinéma pas possible, lui est gentiment niais et elle a l'air de draguer tout le monde, elle est tactile, c'est gênant.
Elle me parle en yaourt, je répond en français, il traduit, c'est arrangé, je les dessine.
15-20 minutes de silence et de calme. Juste le vrombissement incessant de la vitesse.
Un bonheur de connaitre le pouvoir de fermer la gueule de gens.
J'y dessine tout, les tatouages, les bouc' d'oreille, de nez, tout. J'passe plus de temps sur le visage de la fille, histoire de vexer personne. ça bouge un peu donc le trait est parfois pas bien précis, mais ça va, j'm'en sors pas mal. J'ai droit à une photo avec elle, elle en veut deux. Dans le dos, elle me tripote les poignées d'amour, lui ne capte que dalle à travers l'écran numérique.
Ils se barrent, mais avant il me sort une perle.
Fier de voir que j'ai même dessiné le dessin du T-shirt, et un bout de tatouage qui lui sort sur le cou, je le lance sur l'aspect de ce dernier.
Réponse: "C'est une phrase: la même que sur mon T-shirt: the Sky is not a limit."
Incroyable.
Il revient plus tard pour m'offrir un cd, il est dj, il tourne dans le monde entier. Et sur la jaquette photocopiée qui protège le cd gravé, y a lui, habillé pareil qu'aujourd'hui (j'imagine sa garde robe), il fait des signes avec les doigts, à côté un gros black, et au milieu, une typo dorée pleine de caractère qui dit "all we do is win".
J'invente rien.

J'ai dessiné 7 personnes en tout.
Le barman m'a dit que sur cette ligne, les gens sont timides, mais les tgv qui vont dans le sud, c'est la cohut pour se faire tirer le portrait. J'ai pris le temps pour essayer de dessiner chaque personne entièrement. Une pauvre ado, je l'ai raté deux fois, elle m'en voulait vraiment, j'avais pas prévu le principe du modèle qui se rebiffe. Sinon, on m'a aussi offert un super picsou géant, de quoi lire dans le métro. Bref, les gens sont quand même sympas, et puis surtout, c'est la première fois que je ne suais pas devant un contrôleur. Le mec m'a traité en collègue, j'avais l'impression d'avoir mon importance dans la tenue du train, au même titre qu'un Gabin en train de donner à bouffer à la loco. De la même manière que pour la conférence au début du mois de juillet, j'aime vraiment me retrouver dans des plans apparemment pourris.
J'aime bien être vraiment hors de tout réseau, j'ai rien à foutre là mais ça marche quand même.

A propos du Paris-Lyon, c'est une autre histoire. Je propose une date, on me la décale, je m'adapte, et quelques jours avant, on me demande de redécaler car une animation prioritaire me pique le squat. Mais on me dit que si je ne peux pas, c'est pas grave, je voyagerai gratuitement, sans faire d'animation... De quoi tenter ma flemme.
En même temps, c'était prévu comme ça, donc hein. Bref, j'apprends que la priorité se prénomme Joyce Jonathan, imposée par M6 music dans le wagon bar. Et finalement, on me propose de faire un dessin du mini-spectacle.

Joyce Jonathan? C'est quoi? 20 ans, chante une espèce de folk creuse, accompagnée des arrangements d'un ancien rockeur qui a déjà fait les albums de la femme du président.
Je déteste sa chanson qui larmoie sur les ondes de supermarché. "J'ai pas besoin de toi" ...je sais plus quoi. Dés que je l'entend je me fâche un peu, y a une note qu'elle chante, sussurée ultra aigue, je ne la comprend pas. Et les paroles, tu les écoutes, tu en sors bête.
Bref, il a fallut que je me coltine ce fardeaux.
Joli fardeaux quand même.
Y 'avait plein de gens qui se poussait pour bien voir, et le staff de la vedette qui se mettait au premier rang pour empêcher d'approcher, même les enfants.
J'ai fait mon croquis debout, à l'envers, sur mes jambes.
Mis à part la qualité musicale qui n'est que subjective, l'idée est quand même cool. Même si la chanteuse a passé son temps à se battre avec la gravité et les jointures de rail un peu sèches, ça mettait de la vie dans un truc un peu glacial et sourd.
Et puis on était un peu collègue.
J'me suis encore senti à 1000km de ce que je suis sensé faire dans la vie.
Je suis sensé faire quoi dans la vie?



1 commentaire:

Tanpi a dit…

Haha, et l'argent économisé pour ces deux trajets dessinés, j'en ai fait quoi?
je l'ai réinvesti dans une amende pour avoir racheté un billet Strasbourg Lyon sur internet, un billet personnel et incessible. "Tolérance Zéro sur les billet personnel et incessible." m'a dit le contrôleur.

 
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